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GABON : La Cour internationale de Justice (CIJ) a tranché sur la souveraineté des îles Mbanié, Cocotiers et Conga
22 Mai 2025
Gabon-Guinée-Equatoriale-Différend sur l'appartenance des îles Mbanié, Cocotiers et Conga
Par Antoine NKOLO LAWSON
LIBREVILLE, 22 mai (Infosplusgabon) - La Cour internationale de Justice de la Haye (CIJ), organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU), a déclaré le lundi 19 mai 2025 sur le fond et déclarant que les îles Mbanié, Cocotiers et Conga, appartenaient bien à la Guinée -Equatoriale. La décision de la CIJ est-elle discutable ?
Le Gabon et la Guinée-Equatoriale qui avaient introduit devant la CIJ le 5 mars 2021 un différend concernant la « délimitation de leurs frontières maritime et terrestre communes », ont été fixés par l'arrêt à travers lequel la Cour observe qu’il ne lui a pas été demandée de délimiter les frontières terrestre et maritime ni de trancher la question de la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga, mais uniquement de déterminer si les titres juridiques, traités et conventions internationales invoqués par l’une et l’autre des Parties font droit dans leurs relations.
Dans une lettre ouverte adressée au Ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération, de l’Intégration et de la Diaspora, Michel Régis Onanga Ndiaye, M. John Bikorvoser, professeur de droit international public précise, entre autres, que "cette décision, aux implications majeures sur l’intégrité territoriale et la souveraineté maritime du Gabon, ainsi que sur la possession d’îles stratégiques, appelle, selon une lecture rigoureuse du droit international, à une réaction mesurée, structurée et résolue de notre État. Elle soulève plusieurs incohérences juridiques et contradictions jurisprudentielles".
M. Bikorvoser explique que "l'attribution de ces îles à la Guinée équatoriale sur la seule base d’une occupation historique supposée par l’Espagne fait abstraction des effectivités contemporaines exercées par le Gabon : présence militaire, administration civile, réglementation environnementale, octroi de permis de pêche (...)".
C'est par quatorze voix contre une, que le document intitulé “Convention délimitant les frontières terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon” (la “convention de Bata”), invoqué par la République gabonaise, n’est pas un traité faisant droit dans les relations entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale et ne constitue pas un titre juridique au sens d'un des paragraphes de l’article premier du compromis ;
Une lueur d'espoir pour mettre fin à un conflit frontalier d'un autre âge
Pour rappel, le Gabon et la Guinée équatoriale avaient été sur le pied de guerre en 1972, lorsque feu le président Omar Bongo s’était rendu sur l’île Mbanié pour y planter le drapeau gabonais. Par la suite, la visite fort médiatisée sur cet île d’Ali Bongo, ministre de la Défense (à l'époque), avait ravivé une querelle vieille de plus de 30 ans…
La déclaration, courant février 2001, du Premier ministre équato-guinéen Candido Muatetema Rivas, selon laquelle l’occupation de l’île Mbanié par le Gabon serait illégale, a été qualifiée par son homologue gabonais, Jean François Ntoutoume Emane, de «regrettable et inopportune», rappelant que le Gabon «marque sa volonté de préserver la politique de dialogue et de bon voisinage (…)».
La situation entre les deux micro-Etats pétroliers s’est tendue, peu après la visite effectuée sur cette île, le 26 février 2001, par le ministre de la Défense Ali Bongo, à une unité de gendarmerie installée sur l’île.
L’intervention du chef du gouvernement équato-guinéen coïncidait avec un entretien à Libreville entre le président Omar Bongo et un envoyé spécial du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, porteur d’un message ayant trait à cette île qu’on qualifie de “pétrolière”, située plus près du Gabon que de la Guinée Equatoriale.
L’île Mbanié, d’une étendue de quelque 30 hectares, se situe à une trentaine de kilomètres des côtes gabonaises, près de l’île Corisco, une autre île plus grande et presque vierge située à quelques milles nautiques du Cap Estétias. L’île Mbanié était autrefois appelée “l’île aux rats” à cause de l’énorme colonie de rats qu’elle abritait. Aujourd’hui, ce sont de gigantesques colonies de crabes qui partagent le site avec les pêcheurs. Mais on soupçonne cette île de regorger de réserves pétrolières, un aspect économique qui a ravivé la discorde entre les frères ennemis.
«L’île Mbanié a été découverte par l’explorateur espagnol Manuel Iradier, qui avait réussi à remonter le Rio Muni. Puis vinrent les Portugais qui furent émerveillés par le sable immaculé de ces îles. Le sable de Mbanié est si blanc qu’il est utilisé comme dentifrice», raconte un habitant de l’île.
De présumées réserves de pétrole
Les eaux autour de l’île Mbanié seraient susceptibles de renfermer des gisements pétroliers ŕ l’image de la presqu’île de Bakassi, objet d’un différend entre le Nigeria et le Cameroun. Une commission du golfe de Guinée, créée en 1999, devrait permettre de régler ce différend pour éviter que la situation ne dégénčre dans une zone oů les frontičres du Gabon et de la Guinée équatoriale ne sont pas bien définies. Cet aspect a été évoqué dans un communiqué diffusé ŕ la radio équato-guinéenne, oů M. Candido Muatetema Rivas déclarait: «Mon gouvernement exprime sa profonde préoccupation et son indignation face ŕ l’occupation illégale de l’îlot de Mbanié par le Gabon». Il a ensuite exhorté le Gabon ŕ se retirer de l’îlot, «dont la propriété territoriale n’avait pas été clairement tranchée par les anciens colonisateurs de ces deux pays, l’Espagne et la France».
«La visite sur l’île par M. Ali Bongo, avec ŕ ses côtés le chef d’état-major de la gendarmerie et un détachement militaire, a été fortement médiatisée, au point d’irriter les Equato-Guinéens qui y ont vu une sorte de provocation», a expliqué un officier gabonais de la gendarmerie qui a requis l’anonymat. M. Ntoutoume Emane aurait favorisé l’escalade verbale, lorsqu’il a déclaré que «le Gabon est un Etat souverain qui tient ŕ faire respecter sa souveraineté et se tient pręt ŕ faire face ŕ toute sorte d’agression. (…) Le gouvernement tient ŕ rappeler ŕ l’opinion nationale et internationale que la présence du Gabon sur l’île Mbanié ne date pas d’aujourd’hui mais remonte au début du XXčme sičcle, bien avant l’accession de la Guinée équatoriale ŕ la souveraineté internationale».
Rivalité et méfiance
La rivalité entre les deux pays, sur le plan économique notamment, date de plusieurs années. La Guinée équatoriale, considérée comme le pays le plus pauvre de la sous-région, a gagné de la confiance et de l’orgueil depuis la découverte de pétrole dans ses eaux territoriales. Ses importants gisements la mettent au rang des principaux pays producteurs de pétrole au sud du Sahara, et ce, devant le Gabon dont les réserves s’amenuisent.
La Guinée équatoriale connaît un développement économique exceptionnel, qui a persuadé la plupart de ses ressortissants résidant au Gabon à rentrer au pays.
Le Gabon et la Guinée équatoriale partagent une frontière commune. Sur le plan alimentaire, la Guinée équatoriale et le Cameroun déversent sur les marchés gabonais une quantité non négligeable de vivres, nécessaires à ses populations. En effet, depuis plusieurs décennies, l’agriculture n’a pas été une priorité concrète du gouvernement gabonais pour assurer l’autonomie alimentaire du pays. La rivalité entre ces deux pays voisins, pourtant membres de la CEMAC, s’expliquait par le désir des Equato-Guinéens de ne faire aucune concession sur l’île Mbanié, et surtout de prendre une belle revanche, ayant été longtemps humiliés par les Gabonais qui leur confiaient de petits travaux (ménage, coursier, cuisinier, jardinier ou chauffeur) pour des salaires de misère.
L’îlot de Mbanié, objet de la discorde, avait déjà été à l’origine d’une mini-crise entre les deux pays en 1972. Crise qui avait nécessité une médiation internationale conduite par le défunt président de l’ex-Zaïre, le maréchal Mobutu Sese Seko. Le Gabon et la Guinée équatoriale revendiquaient chacun la possession territoriale de trois petites îles, dont Mbanié, qui n’avait pas été clairement tranchée par une convention signée en 1900 entre la France et l’Espagne, leurs anciens colonisateurs respectifs.
Revers de l’exploitation pétrolière
La polémique sur Mbanié, dont les environs renfermeraient du pétrole, resurgit au moment où les deux pays suivent des performances pétrolières opposées.
Le Gabon, fief pendant plus de 4 décennies du groupe pétrolier français TotalFinalElf (ex-Elf Aquitaine) devenu Total Energies, en Afrique centrale, est confronté depuis 1993 à un déclin progressif de sa production qui pèse lourdement sur ses finances publiques. Par contre, la Guinée équatoriale connaît un boom pétrolier fulgurant depuis le début des années 1990, sous l’impulsion des plus grandes compagnies pétrolières américaines.
Le Gabon, situé en bordure de l’océan Atlantique a une superficie totale de 267.670 km2, dont plus de 85% sont constitués de forêt équatoriale. La population est estimée à un peu plus de 2 millions d’habitants, dont moins de 50% de ruraux. La densité moyenne de la population est à peine de 6 hab./km2. La société rurale est actuellement marquée par une féminisation de sa population, principalement à cause des migrations des hommes vers la ville et les zones d’activités plus fructueuses.
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